Un contentieux discret mais stratégique secoue le secteur pétrolier marocain
Depuis plusieurs années, un contentieux discret mais stratégique agite le secteur pétrolier marocain. Il concerne Petromin Oils Maroc, le septième opérateur pétrolier du Royaume avec un chiffre d’affaires dépassant 5,2 milliards de dirhams en 2023 (environ 500 millions d’euros). Derrière cette entreprise, une bataille judiciaire oppose les héritiers du fondateur à deux puissantes familles actionnaires, écrit le magazine Jeune Afrique.
Une bataille judiciaire entre héritiers et actionnaires
L’origine du litige remonte à 1991, année de création de Petromin Oils Maroc, fruit d’une coentreprise entre Haj Mohamed Amhal, figure historique du secteur, et la société saoudienne Petromin Lubricating Oil Company. À la mort de Haj Amhal en 1995, la gestion de la société passe entre les mains de Mohamed Fadile, alors actionnaire minoritaire, avec l’accord des héritiers. À l’époque, les familles Amhal, Fadile et Bicha, toutes originaires du Souss, entretenaient des relations étroites, lit-on.
Des accusations de dilution de participation
Selon la famille Amhal, leur participation de 50 % dans le capital de Petromin Oils Maroc aurait été diluée progressivement jusqu’à disparaître complètement, sans qu’aucune transaction formelle n’ait été effectuée. D’après les documents comptables de la société, les actionnaires actuels sont principalement les familles Fadile (via Mohamed Fadile) et Bicha (représentée par Lahoucine et Mohamed Bicha). Les membres de la famille fondatrice n’y apparaissent plus.
Une dimension stratégique et politique
L’affaire prend une dimension plus stratégique du fait de l’implication indirecte d’Akwa Group, conglomérat dirigé par le chef du gouvernement Aziz Akhannouch. Le groupe est lié à l’un des actionnaires actuels de Petromin Oils Maroc, la famille Bicha, à travers leur coentreprise dans Gazafric, lit-on encore. Même si Akwa Group n’apparaît pas comme actionnaire direct dans Petromin, ses partenaires le sont, ce qui positionne le groupe dans la sphère d’influence autour de Petromin.
Des versions opposées sur les transferts de parts
La version présentée par Mustapha Amhal, fils du fondateur, accuse Mohamed Fadile d’avoir effectué des transferts de parts sans justificatifs réglementaires, en utilisant ses prérogatives de PDG pour enregistrer ces opérations dans les registres internes. En 2018, rappelle Jeune Afrique, Mustapha Amhal a intenté une action judiciaire au civil, au commercial et au pénal à Casablanca, notamment pour faux et usage de faux. Débouté en première instance, il a interjeté appel.
Une question centrale sur la propriété de l’entreprise
L’avocat de Mustapha Amhal, Jalal Amahmoul, résume la question centrale: «Comment une entreprise appartenant initialement à Haj Mohamed Amhal, dont les héritiers détenaient la majorité, a-t-elle basculé dans le giron de groupes concurrents, sans preuve d’une cession régulière?». Pour leur part, des sources proches de Mohamed Fadile affirment que les transferts de parts ont été effectués dans le strict respect du cadre légal.