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La Flambée du Prix de l’Or Expliquée par un Expert

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Flambée historique du marché de l’or au Maroc : décryptage par un expert

Le marché mondial de l’or connaît une envolée spectaculaire, et le Maroc n’y échappe pas. L’or 18 carats flirte désormais avec les 950 dirhams le gramme, un niveau historique pour le Royaume. Dans un entretien accordé à Finances News Hebdo, Mohamed Benchekroun, expert en économie et professeur de management, décrypte cette flambée. Celle-ci ne peut se réduire à un simple phénomène conjoncturel. «La hausse spectaculaire du prix de l’or s’explique par une combinaison de facteurs conjoncturels et structurels», explique-t-il. À court terme, «les anticipations monétaires jouent un rôle clé. Dans un contexte où les grandes banques centrales s’orientent vers des baisses de taux, l’or devient mécaniquement plus attractif, car son coût d’opportunité diminue».

Mais la tendance ne s’arrête pas là. «Des dynamiques de fond, comme les achats massifs d’or par les banques centrales pour diversifier leurs réserves face aux incertitudes géopolitiques et à l’instabilité monétaire, reflètent une méfiance structurelle vis-à-vis du système monétaire international dominé par le dollar», souligne l’expert.

Benchekroun distingue trois grandes familles de facteurs: économiques et monétaires, institutionnels et géopolitiques. La baisse des rendements obligataires dans les économies développées et la crainte d’une inflation persistante incitent les investisseurs à privilégier l’or. Sur le plan institutionnel, «les banques centrales, notamment en Chine, en Inde ou en Turquie, renforcent leurs réserves pour se protéger de la volatilité des devises et limiter leur dépendance au dollar». Enfin, les tensions géopolitiques renforcent l’incertitude et incitent à la recherche d’une valeur refuge. Selon Benchekroun, «la conjonction de ces trois dynamiques crée une pression haussière qui dépasse la simple logique spéculative de court terme».

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Le Maroc, qui n’est pas producteur d’or, dépend entièrement des importations. «Toute variation du prix international se répercute quasi automatiquement sur les prix pratiqués dans le Royaume, après conversion en dirhams», note l’expert. La structure interne du marché, encore fragmentée et marquée par l’informel, amplifie ces chocs. «Quand les prix internationaux augmentent, la hausse se transmet souvent de manière disproportionnée au consommateur marocain», ajoute-t-il.

Le marché local de l’or suscite également des soupçons de spéculation. Benchekroun insiste: «un marché peu transparent favorise mécaniquement les comportements spéculatifs. Lorsqu’il n’existe pas de prix de référence officiel, les intermédiaires peuvent fixer des prix qui ne reflètent pas fidèlement l’évolution internationale». Pour le consommateur, cela se traduit par un surcoût injustifié et une perte de confiance.

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L’or a toujours été une valeur refuge accessible à toutes les couches sociales. Mais avec les prix actuels, la situation change. «Aujourd’hui, l’or 18 carats se négocie entre 900 et 950 dirhams le gramme, alors qu’il valait moins de 500 dirhams il y a quelques années. Cela réduit considérablement la quantité d’or qu’une famille de classe moyenne peut acquérir et pose le risque que l’or devienne un actif réservé aux grandes fortunes», alerte Benchekroun. Il propose cependant des solutions pour maintenir l’accessibilité: «Lingotins de quelques grammes, bijoux d’investissement standardisés ou produits financiers adossés à l’or permettent d’investir de petites sommes et de préserver le rôle démocratique de l’or comme valeur refuge».

Pour encadrer le marché, l’expert recommande plusieurs mesures concrètes: publication d’un cours officiel quotidien en dirhams, traçabilité et certification des produits, normes sur l’information aux clients et protection des petits acteurs. «Il s’agit aussi de développer des produits d’épargne-or accessibles en petites coupures et d’instaurer un dialogue régulier entre autorités, professionnels et consommateurs pour assurer un suivi efficace du marché», conclut Benchekroun.