Accueil Economie Impact des paris sportifs en ligne sur l’économie marocaine

Impact des paris sportifs en ligne sur l’économie marocaine

23
0

Les enjeux des paris en ligne illégaux au Maroc

Les paris en ligne illégaux ne sont plus une activité marginale. Dans un entretien avec le magazine Challenge, El Mehdi Ezzouate, avocat d’affaires au Barreau de Casablanca, spécialiste du contentieux économique et du droit des marchés, tire la sonnette d’alarme. «Ces plateformes ne sont pas de simples sites clandestins: elles fonctionnent comme de véritables entreprises, bien organisées, opaques et insaisissables», a-t-il averti.

En opérant en toute illégalité, elles portent un coup dur au marché légal des jeux et sapent les fondements économiques du pays. «Le Code pénal est pourtant limpide. Toute activité de jeu sans autorisation est illégale et punie par les articles 282 à 285. Il n’y a pas de zone grise», a-t-il rappelé.

Pourtant, la prolifération de ces opérateurs numériques échappant à tout contrôle fiscal ou réglementaire montre l’inefficacité des outils de répression actuels face à un phénomène globalisé.

L’impact économique de ces plateformes est vertigineux. «Elles brassent chaque année des dizaines, voire des centaines de millions de dirhams, sans générer le moindre dirham de TVA, de taxe sur les jeux ou de cotisation sociale», a déploré Me Ezzouate.

Lire aussi:  Investissement de 3 milliards de dirhams à Taroudant pour en faire un pôle économique

Pire encore, la majorité des flux sont transférés à l’étranger sans traçabilité, échappant aux dispositifs de lutte contre le blanchiment.

Une situation d’autant plus préoccupante que le Royaume a ratifié la Convention de Macolin sur la manipulation des compétitions sportives. «Le pays s’est engagé à renforcer ses mécanismes de contrôle, mais il reste aujourd’hui démuni face à la sophistication des plateformes étrangères», souligne l’avocat.

Pour Me Ezzouate, le problème ne réside pas dans un vide juridique, mais dans l’inadéquation des moyens actuels. «Les lois existent, mais leur exécution est dépassée par la nature numérique et transnationale du phénomène», a-t-il expliqué à Challenge.

Ces opérateurs, souvent implantés dans des paradis fiscaux, utilisent des influenceurs locaux, des relais marketing discrets et des paiements en cryptomonnaies pour contourner les autorités. «C’est une atteinte directe à la souveraineté économique du Maroc. Nous ne contrôlons ni les flux, ni les pratiques, ni les conséquences sociales sur notre jeunesse», a-t-il insisté.

Face à ce défi, Me Ezzouate appelle à une approche globale, mêlant fermeté, innovation et coordination. Il propose quatre leviers concrets. Le premier est la création d’une autorité indépendante de régulation des jeux, dotée de véritables pouvoirs d’enquête et de sanction. Le deuxième repose sur une meilleure coordination inter-institutionnelle, entre justice, banques, administration fiscale et agences numériques. Troisième axe, l’ouverture du marché à de nouveaux opérateurs sous licence, pour capter la demande tout en respectant les normes nationales. En dernier lieu, une campagne de sensibilisation ciblée, notamment à destination des jeunes, pour distinguer le jeu récréatif des dangers de l’addiction et de la criminalité financière.

Lire aussi:  La Russie est accusée de provoquer une crise alimentaire et une famine mondiale à cause de

L’objectif, selon Me Ezzouate, n’est pas uniquement de réprimer, mais de structurer. «Il faut faire des jeux un secteur économique régulé, éthique et créateur de valeur. C’est un levier de développement si on sait l’encadrer intelligemment», a-t-il soutenu. Cela implique un cadre légal renforcé, une coopération public-privé efficace, et une politique fiscale incitative.

«En agissant ainsi, le Maroc pourra non seulement récupérer des recettes fiscales importantes, mais aussi protéger sa jeunesse, soutenir son sport national, et défendre sa souveraineté numérique», a-t-il conclu.