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Les call centers confrontés à une nouvelle loi française bouleversante

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Centres d’appels au Maroc face à un choix stratégique

Au Maroc, des centaines de centres d’appels spécialisés dans le télémarketing pour des entreprises françaises se retrouvent face à un choix crucial: évoluer ou disparaître. Une récente loi adoptée en mai par le Parlement français, qui entrera en vigueur en août 2026, interdit désormais tout démarchage téléphonique directement ou par l’intermédiaire d’un tiers sans un consentement explicite, libre, spécifique, éclairé, univoque et révocable des consommateurs, indique le magazine Jeune Afrique.

Un secteur en pleine mutation

Jusqu’à présent, on pouvait contacter toutes les personnes sauf celles qui refusaient expressément. Dès août 2026, seules les personnes ayant donné leur accord explicite pourront être contactées, explique Youssef Chraibi, président de la Fédération marocaine de l’externalisation des services (FMES), cité par le magazine panafricain.

Cette évolution réglementaire frappe de plein fouet un secteur qui dépend à 80% du marché français. Employant plus de 90.000 personnes et générant un chiffre d’affaires annuel de 18 milliards de dirhams, la relation client au Maroc constitue l’un des piliers de l’économie locale. Pour beaucoup d’opérateurs de télémarketing, il faudra rapidement se reconvertir ou fermer boutique, alerte un professionnel casablancais.

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Les défis à relever pour le secteur

Si les grands acteurs comme les Français Teleperformance et Concentrix Webhelp ou les Marocains Outsourcia et Intelcia (majoritairement détenu par Altice) disposent de portefeuilles d’activités plus diversifiés, la majorité des 800 centres d’appels enregistrés au Maroc tirent l’essentiel de leurs revenus du démarchage téléphonique. Cela représente cependant moins de 15% du secteur global de l’outsourcing au Maroc, nuance Youssef Chraibi, également fondateur du groupe Outsourcia, présent dans plusieurs pays.

Le patron de la FMES estime que près de 10.000 emplois sont directement menacés par cette loi. Le téléphone perd du terrain depuis plusieurs années, au profit d’activités de back-office et de communication écrite. Avec une création annuelle de 10.000 emplois, cela signifie que la croissance va essentiellement stagner l’année prochaine, précise-t-il. Côté chiffre d’affaires, la part impactée avoisinerait le milliard de dirhams.

L’impact de l’automatisation sur le secteur

Cette nouvelle réglementation, lit-on, vient s’ajouter à la pression déjà forte sur le secteur, confronté à l’automatisation croissante permise par l’intelligence artificielle (IA). Un rapport publié en 2025 par Caribou Digital et Genesis Analytics, en partenariat avec la Mastercard Foundation, prévoit que 40% des emplois dans le BPO (Business Process Outsourcing) et les services IT externalisés en Afrique sont susceptibles d’être automatisés.

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Une adaptation nécessaire pour rester compétitif

Pour autant, les dirigeants du secteur restent confiants. Il faut s’adapter en intégrant ces technologies pour améliorer productivité, qualité et sécurité, mais la machine ne remplacera jamais l’humain, déclarait en 2024 Karim Bernoussi, PDG d’Intelcia. Même son de cloche chez Youssef Chraibi, qui assure que le Maroc conservera sa position de leader régional dans l’externalisation.

Dès le départ, notre secteur se développe à 90% à l’export, bénéficiant d’une croissance mondiale annuelle de 8%. Ni l’IA ni les nouvelles régulations n’ont freiné cette dynamique. Même en période de crise en Europe, notre marché connaît une progression remarquable, car les difficultés renforcent la tendance à l’externalisation par les entreprises étrangères, conclut le président d’Outsourcia.