Accueil Economie Le Maroc, deuxième destination mondiale des investissements chinois dans les technologies bas...

Le Maroc, deuxième destination mondiale des investissements chinois dans les technologies bas carbone

12
0

Le Maroc, carrefour de l’industrie verte chinoise et européenne

La transition énergétique mondiale réoriente désormais les stratégies d’investissement, et le Maroc s’impose comme un carrefour où convergent l’offensive industrielle chinoise et la demande européenne en technologies propres. Le rapport China’s Green Leap Outward, publié en septembre 2025, met en lumière la dynamique fulgurante de ces flux: les industriels chinois ont engagé 227 milliards de dollars dans des projets bas carbone à l’international depuis 2011, dont près de 88% annoncés après 2022, révélant une montée en puissance sans précédent.

Lire aussi:  Busway Rabat-Salé-Téméra : Une enveloppe de 192 millions de DH allouée à l'étude et au suivi du chantier

Cette expansion, comparable à une « nouvelle Route de la soie verte », reflète la volonté de Pékin d’internationaliser ses chaînes de valeur industrielles tout en sécurisant l’accès à ses marchés d’exportation. Dans cette reconfiguration, le Maroc se distingue par un alignement rare de conditions économiques et géopolitiques: des ressources minérales stratégiques, un cadre réglementaire stable et un accès privilégié à l’Union européenne.

Longtemps perçu comme un acteur périphérique, le Royaume devient un maillon structurant de l’industrie bas carbone mondiale, tirant parti de ses phosphates, de ses zones industrielles et de sa proximité logistique avec le marché européen. Ce positionnement, salué par les auteurs du rapport, place désormais le Maroc au cœur d’une compétition internationale pour l’attraction des capitaux verts.

Lire aussi:  DeFacto poursuit son expansion au Maroc avec l'ouverture d'un nouveau magasin à Rabat



Le document, qui dresse la première cartographie exhaustive des projets manufacturiers verts pilotés par les entreprises chinoises à l’étranger, recense 461 projets entre 2011 et mi-2025, pour un montant cumulé estimé à 227 milliards de dollars. Plus frappant encore: 88% de ces investissements ont été annoncés après 2022, signe d’une accélération sans précédent.

Le Maroc figure au cœur de cette dynamique. Hors de l’Asie du Sud-Est, il se distingue comme un « pôle d’excellence au Moyen-Orient et en Afrique du Nord » pour les matériaux de batteries – notamment les cathodes et précurseurs – ainsi que pour les projets liés à l’hydrogène vert.

Les auteurs du rapport expliquent cette position singulière par un alignement exceptionnel de facteurs économiques et géographiques.

« Le Maroc s’est imposé comme un pôle d’excellence au Moyen-Orient et en Afrique du Nord pour les projets de cathodes et de précurseurs, tirant parti de ses ressources minérales, de son accès en franchise de droits à l’Union européenne et d’une politique industrielle dynamique », souligne le rapport.

Riche de vastes réserves de phosphate, essentiel à la fabrication de batteries, le Royaume a su mettre en place une politique industrielle verte proactive, structurée autour de la décarbonation, des zones industrielles intégrées et de l’attraction des investisseurs étrangers. Le gouvernement s’appuie notamment sur la Stratégie bas carbone à long terme (2021) et sur la feuille de route nationale pour l’hydrogène vert (2023), qui ambitionne de faire du pays un producteur et exportateur régional d’hydrogène et d’ammoniac verts.

Ces initiatives s’ajoutent aux avantages logistiques et commerciaux du Maroc: proximité avec l’Europe, accords de libre-échange, infrastructures portuaires performantes (Tanger Med), et coût compétitif de l’énergie solaire et éolienne.

Un axe Pékin–Rabat en pleine expansion

Depuis 2021, la coopération sino-marocaine s’est élargie à de nouveaux domaines: énergies propres, composants électroniques, batteries et mobilité électrique.

Selon le rapport, les investissements chinois au Maroc concernent principalement des projets de matériaux pour batteries et d’hydrogène vert, souvent d’un montant supérieur au milliard de dollars. Plusieurs groupes chinois, dont Gotion High-Tech, CNGR Advanced Material et Huayou Cobalt, ont exploré ou conclu des partenariats au Maroc autour de la production de précurseurs de cathodes ou d’unités d’électrolyse pour hydrogène.

Cette présence s’inscrit dans une stratégie globale de « dérisquage industriel »: face au durcissement des politiques commerciales américaines et européennes, les fabricants chinois cherchent à produire localement ou régionalement afin de conserver leur accès aux marchés. Dans ce contexte, le Maroc apparaît comme un point d’ancrage stratégique à la fois proche de l’Europe et politiquement stable.

La région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) a vu sa part dans les projets bas carbone chinois bondir: plus de 20% des nouveaux projets en 2024, représentant près de 50 milliards de dollars, selon la base de données du Net Zero Policy Lab.

Si l’Indonésie domine encore le secteur des matériaux pour batteries, le Maroc concentre désormais les investissements les plus structurants en Afrique, devant l’Égypte, devenue tête de pont pour les complexes d’hydrogène et d’ammoniac verts orientés export.

Le rapport met en contraste cette progression avec l’absence quasi totale de projets en Algérie, qui ne figure sur aucune carte régionale. « Malgré son potentiel solaire, l’Algérie n’a pas encore structuré l’environnement attractif requis pour capter les investissements industriels verts chinois », constatent les auteurs.

Un modèle à consolider

L’attractivité marocaine tient aussi à une approche partenariale avec les investisseurs étrangers, fondée sur la création de chaînes de valeur locales et la montée en compétences technologiques. Selon les données du ministère de la Transition énergétique, les projets annoncés dans l’hydrogène vert pourraient générer jusqu’à 15 milliards de dollars d’investissements cumulés d’ici 2035.

Cependant, plusieurs défis subsistent: la nécessité d’un suivi rigoureux de l’impact environnemental, la formation de main-d’œuvre qualifiée, et la négociation d’un partage équitable des retombées économiques. Les analystes soulignent également la dépendance croissante vis-à-vis des capitaux chinois, dans un contexte de rivalités commerciales accrues entre Pékin, Washington et Bruxelles.

L’émergence du Maroc comme destination phare des investissements chinois dans les technologies bas carbone illustre la mutation profonde des flux d’investissement mondiaux. Longtemps tournée vers les infrastructures et les télécommunications, la coopération sino-marocaine entre dans une phase où l’industrie verte devient un pilier central.