Un contexte national charnière
À un an de l’achèvement de son mandat, l’actuel gouvernement prépare une loi de finances 2026 qui se veut ambitieuse. La note de cadrage, publiée le 8 août 2025, fixe un objectif de croissance du PIB de 4,5%. L’économiste Mohammed Jadri, interrogé par Le360, décrypte les enjeux, contraintes et réformes à mener pour relever le défi.
Selon Mohammed Jadri, trois facteurs internes marquent la préparation de la loi de finances 2026. D’abord, l’échéance de la première étape d’évaluation du Nouveau modèle de développement (NMD), qui vise à doubler le PIB d’ici 2035. Ensuite, l’achèvement en 2026 de la généralisation de la couverture sociale (incluant assurance maladie obligatoire, allocations familiales, pensions de retraite et indemnités pour perte d’emploi). Enfin, il s’agit de la dernière année du mandat gouvernemental, avec la nécessité de passer à la vitesse supérieure pour atteindre les objectifs fixés.
Des tensions internationales et une croissance mondiale atone
Sur le plan international, le contexte reste marqué par un manque de visibilité et des tensions géopolitiques persistantes. La facture pétrolière est, pour l’instant, favorable au Maroc avec un baril oscillant entre 60 et 70 dollars, mais son évolution demeure incertaine. La croissance mondiale, limitée à 3%, et celle de l’Union européenne, partenaire économique clé du Maroc, qui ne dépasserait pas 1% en 2026, risquent de freiner la demande extérieure.
Deux contraintes majeures: sécheresse et facture énergétique
L’expert rappelle que le scénario de croissance de 4,5% dépend largement des précipitations. Une campagne agricole de 50 à 60 millions de quintaux soutiendrait la valeur ajoutée agricole. La seconde contrainte réside dans l’évolution du prix du pétrole: un baril dépassant les 80 ou 100 dollars alourdirait la facture énergétique et pèserait sur la croissance.
Inégalités territoriales et rendement de l’investissement
Pour Jadri, il est urgent d’élargir les programmes de développement aux régions éloignées de l’axe Tanger-Agadir, comme Drâa-Tafilalet, Béni Mellal, Guelmim-Oued Noun ou l’Oriental. Il souligne également un problème d’efficacité de l’investissement public: avec un taux d’investissement représentant 30% du PIB, l’ICOR (coefficient marginal du capital) se situe entre 10 et 11 au Maroc, contre 6 dans la moyenne mondiale, traduisant une faible rentabilité des investissements.
4,5% de croissance: atteignable, mais insuffisant
Le taux de 4,5% visé par le gouvernement pour 2026 pourrait être atteint, notamment grâce à la baisse de la dépendance vis-à-vis du secteur agricole. Cependant, pour répondre aux attentes de la société, Jadri estime qu’il faudrait viser au moins 7% de croissance, conformément aux ambitions du Nouveau modèle de développement.
Accélérer les réformes structurelles
Pour hisser la croissance à des niveaux plus élevés et ramener le taux de chômage à 9% d’ici 2030, l’économiste estime que plusieurs chantiers doivent être menés de front. Il insiste d’abord sur l’amélioration de l’éducation et du capital humain, condition essentielle pour renforcer la compétitivité de l’économie. Il souligne aussi la nécessité de garantir un meilleur accès aux soins de santé dans toutes les régions, tout en achevant la couverture sociale universelle afin que l’ensemble de la population bénéficie équitablement des programmes publics. Le soutien aux petites, moyennes et très petites entreprises est également jugé crucial, notamment grâce à une application efficace de la charte de l’investissement.
Par ailleurs, Jadri insiste sur l’urgence de résoudre la problématique de l’eau à travers l’accélération de la mise en œuvre des programmes de dessalement, de l’interconnexion des bassins hydrauliques, de la construction de barrages, ainsi que du traitement et de la réutilisation des eaux usées. Enfin, il appelle à accélérer la transition énergétique vers les énergies renouvelables et à intensifier la lutte contre la corruption et les rentes, tout en instaurant une concurrence saine entre les acteurs économiques.
En conclusion, Mohammed Jadri rappelle que 2026 sera une année déterminante pour évaluer les premiers résultats du NMD et préparer la prochaine étape. Un taux de 4,5% est envisageable, mais l’enjeu reste de bâtir une économie résiliente capable de dépasser les 6 à 7% de croissance sur le long terme.