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Dessalement de l’eau de mer : une solution optimale mais limitée pour l’agriculture

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Le dessalement de l’eau de mer, un enjeu majeur pour l’agriculture marocaine

Le dessalement de l’eau de mer est en train de changer de dimension au Maroc. Sous l’effet conjugué de la raréfaction des ressources hydriques et de la répétition des années de sécheresse, cette technologie s’invite désormais dans le débat agricole. Elle est de plus en plus présentée comme un levier possible pour sécuriser l’irrigation, alors même que l’agriculture demeure le pilier de l’économie nationale et, dans le même temps, le principal consommateur d’eau. «Cette évolution soulève une question stratégique majeure», s’interroge le magazine Finances News Hebdo. Le dessalement doit-il accompagner durablement le modèle agricole existant ou rester une ressource d’appoint, réservée à des usages ciblés et strictement encadrés ?

Une ligne de fracture dans les débats experts

C’est précisément cette ligne de fracture qui alimente aujourd’hui les discussions parmi les experts. Cité par Finances News, le professeur Mohammed Taher Srairi, enseignant-chercheur et spécialiste reconnu des systèmes agricoles et hydriques, explique que le débat ne peut être abordé sans un préalable de clarification. L’agriculture, rappelle-t-il, «consomme près de 80 % de l’eau mobilisée au Maroc». Mais cette réalité, souvent invoquée, mérite selon lui d’être nuancée.

Une trajectoire spécifique pour l’agriculture marocaine

Le Maroc, pays semi-aride, a suivi une trajectoire différente. Le développement de l’irrigation y est relativement récent et s’est appuyé sur la construction de grands barrages et sur la mobilisation massive des ressources hydriques. Ce choix a permis l’émergence de filières agricoles compétitives, tournées vers l’exportation et à forte valeur ajoutée, notamment les fruits, les légumes et les cultures sous serre. Des régions comme le Souss-Massa, la Moulouya ou le Haouz en ont largement bénéficié. «Mais ce modèle arrive aujourd’hui à saturation», estime Srairi.

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Le défi économique du dessalement pour l’agriculture

La raison est avant tout économique. L’eau dessalée reste coûteuse. Son prix de revient avoisine 0,5 dollar le mètre cube, soit au minimum cinq dirhams, et probablement davantage si l’on intègre l’ensemble des coûts réels. Ceux-ci incluent non seulement l’investissement initial et la consommation énergétique, mais aussi les impacts environnementaux, la gestion de la saumure et les charges financières à long terme. «Or, le coût exact de l’eau dessalée demeure rarement totalement transparent», précise Srairi.

Les défis territoriaux et environnementaux du dessalement

Au-delà de la rentabilité des exploitations, le dessalement pose également un enjeu territorial majeur. Son développement risque d’accentuer les disparités régionales. Les zones côtières, situées à proximité des stations, bénéficient d’un avantage structurel évident, tandis que les régions de l’intérieur doivent faire face à des surcoûts considérables pour acheminer l’eau sur de longues distances.

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L’équilibre financier fragile du dessalement pour l’agriculture

Dans les villes, cette équation reste relativement maîtrisable. La consommation domestique moyenne, de l’ordre de 200 litres par jour et par habitant, demeure limitée et peut être intégrée dans une tarification progressive. En agriculture, en revanche, les volumes requis sont sans commune mesure, rendant l’équilibre financier beaucoup plus fragile.

Les perspectives et défis futurs du dessalement

À moyen terme, une baisse des coûts n’est pas exclue. Les avancées technologiques, l’intégration accrue des énergies renouvelables ou encore la valorisation future de la saumure pourraient modifier l’équation économique. Certains chercheurs estiment même que la véritable richesse du dessalement pourrait, à terme, résider dans la saumure, l’eau devenant presque un coproduit. Mais ces perspectives restent encore lointaines et incertaines dans le contexte marocain.

Les transformations à venir dans le paysage agricole marocain

D’ici là, le recours au dessalement implique une transformation profonde du paysage agricole. Il suppose l’émergence d’une nouvelle génération d’agriculteurs capables de valoriser une ressource coûteuse, ainsi qu’une spécialisation accrue des territoires. Le dessalement dessine les contours d’une agriculture plus sélective, plus capitalistique et potentiellement plus inégalitaire.