Les droits de douane de Trump et leur impact sur le Maroc
Les droits de douane supplémentaires instaurés par le président américain Donald Trump ont relativement épargné le Maroc, dont les produits écopent d’une surtaxe limitée à 10%, un taux bien inférieur à celui appliqué à d’autres pays asiatiques ou africains parmi les principaux producteurs de textile, notamment la Chine, le Bangladesh ou le Lesotho.
Parmi les textiliens marocains interrogés par Le360, certains restent prudents, soulignant le faible volume des échanges entre Rabat et Washington en matière de textile-habillement. D’autres y voient plutôt une opportunité à saisir, pariant que le Maroc pourrait devenir de plus en plus visible sur les radars des investisseurs internationaux: «Cela va drainer beaucoup de prospects. À nous de transformer l’essai», résume un opérateur.
Mais avant de penser à une éventuelle reconfiguration des chaînes de valeur pouvant résulter de l’offensive douanière de Trump, les entreprises exportatrices vers les États-Unis devront d’abord ajuster leur politique tarifaire pour limiter l’impact sur leur compétitivité. «Notre principal client américain a demandé une compensation pour les commandes en cours. Nous sommes actuellement en négociation pour trouver un terrain d’entente», nous confie le dirigeant d’une usine de jeans basée à Casablanca, dont une bonne partie de la production se destine au marché américain.
Les raisons de l’impact limité au Maroc
Contacté par Le360, le président de l’Amith, Anass El Ansari, estime que les nouveaux droits de douane instaurés par l’administration Trump auront, globalement, un impact limité sur le secteur du textile-habillement au Maroc, et ce, pour trois raisons principales.
Il évoque d’abord des contraintes d’ordre logistique, pointant la quasi-absence d’un fret aérien ou maritime régulier entre les deux pays. Se pose également le souci de la taille «limitée» des entreprises marocaines, qui ne sont pas en mesure de répondre aux commandes américaines, qui portent généralement sur de gros volumes dépassant les 300.000 unités.
La question des règles d’origine
Mais la principale entrave au commerce bilatéral dans le secteur réside dans les règles d’origine prévues dans l’Accord de libre-échange (ALE) entre le Maroc et les États-Unis, qui imposent l’utilisation de matières premières issues de l’un des deux pays. Or, déplore Anass El Ansari, «le Maroc reste fortement dépendant de matières premières asiatiques, turques ou européennes. L’industrie marocaine demeure concentrée sur la confection à hauteur de 87%. Les règles d’origine limitent par conséquent le potentiel du business entre les deux pays».
Pour remédier à cette situation et déverrouiller la complexité de l’ALE, la solution passe par «l’amont textile», insiste-t-il, rappelant l’importance du deal récemment conclu avec le géant chinois Sunrise.
Impact à moyen terme et perspectives
Pour bon nombre d’observateurs, à moyen terme, le positionnement de l’industrie marocaine du textile-habillement devrait se renforcer avec les nouvelles taxes de Trump qui annoncent clairement la fin de l’Africa Growth and Opportunity Act (AGOA), un accord commercial spécifique qui permettait à 30 pays d’Afrique subsaharienne d’exporter vers les États-Unis des milliers de produits en exemption de droits de douane.
Alors que Trump se dit ouvert à des négociations avec les pays qui l’ont demandé (à l’exception notable de la Chine), de nombreux textiliens marocains adhèrent à cette démarche et lancent un appel au gouvernement, l’incitant à s’y inscrire, main dans la main avec le secteur privé.
Les propositions des opérateurs marocains
Sachant que les règles d’origine prévues dans l’ALE Maroc-États-Unis avaient introduit le principe de triple transformation «filage-tissage-finissage», les opérateurs marocains réclament la création d’une «zone industrielle qualifiée» (ZIQ), un type de zone franche assujettie à des droits de douane spécifiques à l’export vers les États-Unis.
«Nous avons demandé à ce qu’une zone de ce type soit installée au Sahara marocain, en synergie avec le port de Dakhla, dans la perspective d’un développement régional intégré avec les pays du Sahel, notamment le Burkina Faso et le Mali, où se concentrent plusieurs matières premières», fait savoir ce membre de l’association de l’industrie textile.
Les textiliens marocains restent convaincus que ces mesures pourraient générer jusqu’à 100.000 nouveaux emplois, mais ils soulignent l’importance de l’appui gouvernemental pour faire avancer ces dossiers.