Le démarchage téléphonique au Maroc face à une nouvelle réglementation française
Le parlement français a adopté, en vote définitif, le 21 mai 2025, une loi interdisant le démarchage téléphonique si le consommateur n’a pas donné son consentement pour être appelé. Cette législation, qui doit entrer en vigueur en août 2026, soulève beaucoup d’inquiétudes chez une bonne partie des centres d’appels au Maroc.
Interrogé à ce sujet par Le360, Youssef Chraibi, président de la Fédération marocaine de l’externalisation des services (FMES), reconnaît l’existence de cette menace mais tient à en réduire l’importance.
Certes, affirme-t-il, cette loi «n’est pas un simple durcissement mais un changement radical d’approche, d’une logique opt-out vers une logique opt-in». À noter que dans le cadre de l’opt-in, on ne peut contacter une personne qu’après avoir obtenu son consentement exprimé d’une manière explicite, alors que, pour l’opt-out, on peut le faire par défaut, à moins que la personne ne s’y soit expressément opposée.
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Toutefois, nuance-t-il, «cela ne remet pas en cause l’équilibre global du secteur». Il va, en effet, explique-t-il, «toucher essentiellement les prestataires spécialisés, encore très dépendants de la téléprospection à froid, sur lesquels l’entrée en vigueur de cette loi en août 2026 aura un impact réel». Il précise que le démarchage téléphonique sortant représente aujourd’hui une part minoritaire de l’activité des centres d’appels au Maroc, estimée entre 15 et 20%.
Bien que ces prestataires spécialisés dans le démarchage téléphonique représentent une part importante du nombre d’entreprises opérant dans le secteur, ils y pèsent, toutefois, moins de 20% en termes d’emplois, ajoute-t-il. Ceux-ci sont concentrés sur une vingtaine d’outsourceurs généralistes très peu dépendants de l’activité de téléprospection à froid, poursuit-il.
«On peut donc s’attendre à quelques ajustements localisés, mais pas à des licenciements massifs», estime-t-il, notant que «le secteur reste en croissance globale, et les emplois affectés par la fin du démarchage seront en grande partie compensés par ceux créés dans les autres canaux de contacts entrants et digitaux ainsi que d’autres métiers de l’outsourcing».
Le secteur se métamorphose
En effet, développe-t-il, la grande majorité des prestations concernent désormais le service client, le support technique, la modération, le back office ou encore les interactions digitales multicanales. Cette évolution, relève-t-il, s’est accélérée ces dernières années, notamment en réponse aux attentes des donneurs d’ordre et à l’évolution des réglementations européennes de plus en plus en restrictives sur le sujet.
Les centres d’appels qui restent très dépendants de l’activité de téléprospection à froid devront s’inscrire dans cette dynamique, en repensant leur modèle économique et en engageant une transition rapide vers des activités plus pérennes, selon notre interlocuteur.
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Pour ce faire, ils devront agir sur trois leviers essentiels, note-t-il. Il s’agit, explique-t-il, de la montée en compétence vers les nouveaux métiers de la relation client, l’intégration progressive des technologies d’intelligence artificielle (IA) et la diversification des marchés, notamment vers d’autres zones francophones comme le Canada, ou même d’autres langues européennes. «Le vivier de talents qualifiés, multilingues et adaptables dont dispose le Maroc est un atout majeur dans cette phase d’évolution», souligne-t-il.
Il note que le secteur marocain de l’externalisation des services compte aujourd’hui environ 800 structures, représentant plus de 90.000 emplois directs. Il pèse plus de 18 milliards de dirhams de chiffre d’affaires à l’export. «C’est un secteur stratégique, dans le top 5 des métiers mondiaux du Maroc, qui a toujours su démontrer sa résilience et sa capacité d’adaptation à chaque phase de transformation du marché international», conclut-il.